Portrait d'Isabelle Blateyon (le Criollo Besançon)
15 mai 2024 :
Commençons par quelques éléments concrets
- L’entreprise Le Criollo est créée à partir de 2001 par le chocolatier Claude Streit et son associée Chantal Maire, implantée dans la zone industrielle et commerciale de Thise à Chazeleule pour des raisons propres à ses objectifs de départ (pouvoir livrer aux professionnels des milieux de bouche).
- Elle est cédée officiellement en janvier 2019 à Isabelle Blateyron par Chantal Maire, qui était restée depuis 2011 seule à la tête du Criollo, son associé ayant tenté sans grand succès de développer un partenariat durable avec les acteurs de la filière camerounaise du cacao et étant, de plus, décédé en 2015.
- Le Criollo réalisé un chiffre d’affaires de 70% pour les « non professionnels » (ce qui ne correspond pas aux objectifs du départ), pour une répartition de 40% des ventes effectuées à Noël et 20% à Pâques, Pâques étant la période festive la plus intense en termes comptables et en termes de charge de travail.
- Son équipe se compose d’une quinzaine de personnes, dont 5 apprentis en CAP et 2 titulaires d’un BTM en laboratoire et 6 personnes chargées de la vente et du conditionnement des produits.
Continuons par la visite
Une visite inattendue et inespérée pour Pâtafran’, grâce à une dirigeante qui n’a pas hésité, un soir de week-end, de répondre très vite à un mail envoyé tardivement, pour lancer l’invitation. Quelle réactivité !
L’arrivée dans les lieux est déstabilisante, y compris avec un GPS (on se perd un peu dans cette zone industrielle et commerciale sillonnée d’échangeurs et d’impasses débouchant sur des entrepôts). Rien ne pourrait faire croire ainsi, d’un premier abord et en dépit d’un logo graphique séduisant, à une chocolaterie artisanale. L’étonnement prend fin quand on entre dans cet entrepôt qui sert à la fois de laboratoire et d’espace boutique. Celle-ci est vaste, lumineuse quoique sans fenêtre, propice à un déambulage aisé au milieu de gammes de produits variées, bien mises en scène question visibilité et attractivité. Depuis les grandes casses de chocolat jusqu’aux produits d’épicerie fine en passant par la vitrine des pralinés et des ganaches, des produits francs-comtois dont certains sont protégés par une marque, des pâtes à tartiner ainsi que par la nouvelle gamme (on l’apprendra plus tard) des « pures origines », développée par la nouvelle propriétaire des lieux, on aurait bien envie d’acheter un échantillon de chaque gamme.
Très vite, Isabelle accueille ses invités (il s’agit en l’occurrence d’une famille) pour les conduire dans une salle accolée où elle livre quelques éléments clés de l’histoire de l’entreprise, fait diffuser un petit film pédagogique, un peu dépassé néanmoins – il date de 2008 - expliquant rapidement ce qu’est le chocolat. Elle propose ensuite une dégustation de plusieurs types de produits (un morceau de chocolat « ruby », une « Croquine Comtoise », un praliné au curry et un Doubs Frisson®. Cet exercice lui permet de poser des jalons quant à l’éducation des papilles. La visite se termine par le laboratoire, lequel est protégé par des vitres qui permettent de regarder ce qu’il s’y passe. Pour l’occasion, deux collaborateurs sont en charge de nous montrer comment on colorie un moulage, comment inclure un praliné liquide dans une coque de chocolat, comment écrire à la poche à douille. Isabelle en profite pour insister, en dépit d’horaires de travail plutôt agréables contrairement à ceux des pâtisseries et des boulangeries, sur une charge qui fluctue en fonction des périodes ainsi que sur l’aspect chronophage lié au conditionnement et à l’étiquetage.
Sur la base des questions et commentaires des visiteurs, il semblerait que la visite soit une réussite pour la dirigeante : montrer que le chocolat n’est pas si simple à confectionner, qu’il demande de la technique, du temps et que ses saveurs doivent faire l’objet d’un sérieux apprentissage.
Concluons sur Isabelle, la dirigeante
Mais qui est Isabelle, ouverte, accueillante, franche, désormais à la tête d’une mini-institution sur la région bisontine depuis janvier 2019 ?
Selon les propos que l’on recueille auprès d’elle, confirmés par les quelques entretiens accordés antérieurement à la presse locale et par quelques recherches effectuées sur son parcours, elle n’est pas chocolatière, n’en a aucun diplôme et n’a suivi aucune formation spécifique. Elle s’est formée sur le tas, avec son équipe et après avoir bénéficié, pour le lancement de son projet, d’un programme de la Chambre des Métiers et des conseils d’une structure RH pour qu’elle mène à bien l’acquisition de l’entreprise. Avant, Isabelle était ingénieur et investie depuis des années dans le secteur automobile. Elle a développé cette envie d’être « à son propre compte » en s’imposant des critères : une structure de taille humaine, un produit technique au cœur du métier et une belle matière à travailler, laquelle procure du plaisir. Et si elle n’avait jamais pensé se tourner vers l’agro-alimentaire, c’est un concours de circonstances qui fait que son chemin a croisé celui de Chantal Maire, l’ancienne dirigeante de l’ancien Criollo, devenue seule associée de l’affaire depuis 2011, le chocolatier ayant fini par abandonner à cause d’un projet avorté de développement d’une filière du cacao camerounais qui soit durable, étant décédé en 2015, Chantal espérant pouvoir prendre sa retraite.
Isabelle se forme dès 2018 dans l’entreprise auprès de l’équipe alors présente, la vente est conclue en janvier 2019.
Ce n’était pas la période la plus propice pour reprendre à son compte une chocolaterie bien rôdée. Le COVID, le confinement, puis l’explosion des coûts de l’énergie et ceux de la matière première qu’est la fève de cacao n’ont toutefois pas eu raison de ses ambitions.
Questionnée sur ce qui a pu changer depuis sa reprise de l’entreprise, elle concède que les gammes sont identiques à quelques exceptions près, Isabelle cherchant à apposer sa touche personnelle et la sensibilité de ses papilles aux gammes pré-existantes, en incluant des casses de chocolat aux plantes et aux fruits ou en ayant récemment mis au point, grâce à ses couverturiers, une gamme de mini-tablettes pure origine. Isabelle a des papilles et, compte tenu de sa fidélité à l’œnologie, est éclairée en termes aromatiques et compte bien s’en servir pour développer les initiatives tout en préservant ses fournisseurs et ses équipes. Le RSE, pour elle, c’est sacré. Elle précise, côté production, avoir investi dans une machine de coupe à jet d’eau pour éviter les risques liés à la guitare, avoir acquis deux tempéreuses supplémentaires et avoir conservé le matériel déjà existant (le tunnel de froid, notamment), cinq fontaines à chocolat (deux pour le chocolat noir, une pour le chocolat au lait, une pour le chocolat blanc et une dernière pour les marges) et une grande table de marbre qui permet de faire diminuer la température du chocolat. Elle ajoute avoir modifié le graphisme du logo pour lui apporter une touche contemporaine et avoir diversifié le panel des couverturiers avec lesquels elle collabore pour que ses gammes puissent, à l’avenir, se décliner de différentes façons possibles.
Ce ne sont ni les idées ni les objectifs qui lui manquent mais il faut laisser le temps au temps.
Compte tenu de son sens de l’accueil et des idées affichées pour la suite, nul doute que le Criollo version Isabelle va non seulement rester l’une des enseignes chocolatières de la région du Doubs mais pourrait-même aller au-delà.
Le Criollo / Atelier-Boutique
1 Rue du Murgelot, 25220 Chalezeule