RRRAW – Les crèmes de cacao cru à déguster

12 février 2020 :

La vache !

Ces deux pâtes à tartiner sont explosives. De redoutables bombes sensorielles. Elles déchirent grave.

Lancées depuis le mois de mars 2019 par l’un des pionniers et chantre français du cacao cru, dont la réputation n’est vraiment plus à faire en matière, notamment, de truffes cubiques, les deux pâtes sont proposées dans de solides pots en verre de forme hexagonale et d’une contenance idéale pour prendre le temps de les tester sur plusieurs étapes, en plusieurs jours, sans être frustrés parce qu’il n’en reste plus trop vite mais sans être non plus découragés par un poids familial. L’esprit marketing et esthétique de la société est respecté ; les étiquettes sont très sobres, élégantes : surlignées d’un contour doré, l’une des crèmes suggère la douceur par son fond blanc tandis que la seconde projette l’imaginaire gustatif dans du corsé par son fond d’un brun sombre.

Leurs couleurs respectives sont très proches, d’un beau brun  tirant imperceptiblement sur le cuivre, une pointe plus claire pour la crème Noir-Noisette.

Leur parfum est, pour toutes deux, ramassé sur lui-même, comme s’il retenait sa puissance de frappe et qu’il était prêt à jaillir au nez. Un parfum brut et envoûtant, très délicatement acidulé, très légèrement sucré pour la pâte Noir-Noisette, massif et pénétrant pour la Sans Sucre ; des caractéristiques typiques du parfum dégagé par des fèves de la variété criollo.

Le caractère naturel et artisanal des crèmes est manifeste et gage d’authenticité. L’huile de colza et le sucre de coco sont remontés et ont cristallisé à la surface pour la Noir-Noisette, ce qui oblige à bien malaxer et touiller pour que les ingrédients reprennent leur place et jouent le rôle auquel ils sont tous deux dévolus, en particulier pour rendre la pâte onctueuse, souple et crémeuse. La pâte aura tendance, à cœur de pot, à l’assèchement et à la résistance : il est donc impératif, pour éviter que la dégustation ne tourne vite à un rapport de force entre la pâte et le poignet, de mélanger et de malaxer très régulièrement. Tel n’est pas le cas pour la Sans Sucre  - ça se passe de commentaire tellement sa texture est… divine.

Les surfaces des pâtes sont, pour la Noir-Noisette, irrégulière, presque grumeleuse, alors qu’elle est lisse et satinée, légèrement moirée, pour la Sans Sucre.

Les textures des deux pâtes diffèrent. Celle de la Noir-Noisette est évolutive. Moelleuse et élastique au départ, elle a tendance à se compacter, à se montrer râpeuses, et à durcir ensuite. Celle de la Sans Sucre, au contraire, fait preuve d’une remarquable stabilité tout au long du parcours : elle est dense et chargée mais se laisse relativement bien prélever, par lamelles et dévoile une nature plutôt opulente et crémeuse ; elle est, paradoxalement, plus facile à manipuler et à apprivoiser sur une tartine…

Leur consistance est, en bouche, jouissive : fondant, épaisseur, onctuosité, chaleur, un vrai tremplin pour propulser des sens déjà en état second vers une galaxie émotionnelle inégalée.

Les deux crèmes sont félines et racées. Toutes deux mettent en avant l’intensité et l’âpreté du goût du cacao à peine cuit, que l’on dirait fermenté et qui, pour la plus douce des pâtes, est adouci par ce sucre de coco qui joue les exhausteurs d’arômes sans pour autant empiéter sur l’amertume du cacao. Mieux encore, le sucre permet à la noisette de se glisser au palais de sa signature aromatique, espiègle.

Le choc le plus profond, on le doit à la crème Sans Sucre. Féline et racée, oui. Et plus encore. Un vrai pur-sang ! Trapue, corsée, charpentée, rugueuse, minérale, impétueuse, musclée, sauvage, d’une exceptionnelle longueur de bouche. Un concentré d’énergie et de liberté. Sa sécheresse et son astringence qui, en principe, sont des défauts, font exploser et magnifient le potentiel aromatique. Du 100 % cacao brut, au point où en oublie carrément que la pâte se compose – quand même – de 45 % de noisettes (ah bon ?).

De loin, cette crème dépasse, surpasse, transcende ! Elle est une source de vitalité jaillissante, à déguster avec précaution. Elle s’adresse aux papilles qui sont capables de percevoir les nuances, entre les notes acidulées et fruitées, entre les notes florales et boisées. Elle s’adresse aux amoureux du 100% ! Elle fait frissonner et fondre. Elle est… jubilatoire, à se damner !