31 décembre 2024 :
Le metteur en scène et les comédiens qui soutiennent depuis toujours la Comédie Italienne réalisent, ensemble, un remarquable travail en puisant dans le répertoire d’un Goldoni truculent, caustique et n’hésitant pas à se moquer, non sans tendresse, des mœurs de la Cité des Doges. Les scénettes sont enlevées, les actrices pleines de verve et d’enthousiasme et se montrent d’autant plus impressionnantes qu’elles changent rapidement de tenues et de langage pour passer à l’historiette suivante. Où il est question de cabotinage, de libertinage, de flirts entre femmes et hommes issus de classes sociales différentes, entre riches et désargentés, entre veuves énamourés et goujats manipulateurs, le tout étant assaisonné par un Arlequin éclatant de drôlerie, vibrant d’énergie. Entre chaque tableau ainsi découpé par le metteur en scène, ce dernier prend le rôle de maître de cérémonie pour remettre en perspective l’histoire de Venise et des Vénitiens. S'ils se sont toujours considérés comme « à part », ont longtemps refusé les carcans et codes sociétaux instaurés dans le reste de l’Europe, sont désormais, à l'heure actuelle et depuis l'industrialisation et la mondialisation, en détresse. Le maître de cérémonie ne le cache pas : la cité croule sous la pollution, la dépendance des politiciens à la manne financière offerte par le tourisme de masse et cette incapacité de défendre le prestige historique d'une ville plus qu'érodée, aujourd'hui, par les effets du réchauffement climatique, par une activité humaine trop intense et, surtout, par la disparition des métiers ancestraux qui faisaient la richesse de la Cité.
Où est passée la Sérénissime contée dans ses frasques les plus subtiles mais également les plus grotesques de l’époque de Goldoni ? Une question que se pose parallèlement, alors que vient de sortir son dernier roman, l’Académicien Eric Orsenna (« La Cinquième Saison » chez Robert Laffont) , en liguant, dans une magnifique fable contemporaine, le Temps et tous les éléments nécessaires à la vie sur la planète contre les Hommes et, plus particulièrement, contre le Doge et ses six conseillers.
Et s’il est question, tant dans la pièce de théâtre que dans le roman, du fameux chocolat du Caffè Florian, lequel mène pour Eric Orsenna à l’indigestion alors qu’il est le lien qui permet de nouer ou de dénouer des histoires d’amour entre les Vénitiens des siècles passés pour Attilio Maggiuli, on reste un peu, ce 31 décembre 2024, sur la réserve quant à l’importance accordée au chocolat par la mise en scène. Certes, la chocolatière traditionnelle est mise en valeur sur la scène, certes, le chocolat chaud sert d’intermédiaire aux dialogues mais on aurait peut-être aimé, en tant que spectateurs, disposer davantage d’informations sur l’importance du chocolat pour Venise et surtout, terminer ou commencer le spectacle par… une petite dégustation ?