10 octobre 2023 :
Résumé : Du cacao au chocolat, l’histoire du premier pays producteur au monde de la fève, Cacaoland, alias la Côte d’Ivoire qui a raté le virage de l’indépendance en restant aux ordres de l’Occident et en laissant exploiter ses richesses et ses planteurs. Cet Etat parviendra-t-il à trouver les clés d’une réelle souveraineté ?
Avis : Le mélange des genres créé par l’auteur est caustique et coup de poing. Sur une scénographie pleine de vivacité, entre théâtre, conte sous l’arbre à palabre, poésie et chœurs pour surligner les évènements clés de l’histoire politique et économique de la Côte d’Ivoire, l’auteur signe, une nouvelle fois, une œuvre très militante.
En se servant des fèves de cacao et de leur transformation en chocolat, son récit s’impose avec d’autant plus audace et d’humour qu’il se construit sur le point de vue de la Côte d’Ivoire, de ses dirigeants, des personnes clés de son histoire communautaire et politique, impliqués à des degrés divers dans la culture du cacao. Par ce subterfuge (qui n’en est pas un – il s’agit juste de rendre à César, la Côte d’Ivoire, ce qui est à César – son cacao), Gauz' dénonce les erreurs du passé. Il dénonce une décolonisation réussie pour le Blanc et ratée pour l’Africain. Une indépendance de pure de forme dont l’ancien colon a tiré et tire encore le plus grand des profits. Il pointe dans la foulée du doigt un avenir sans lisibilité réelle, pour le pays et ses peuples, tant les troubles qui sévissent sont nombreux, protéiformes et commandités par le néocolonialisme et ses besoins marchands.
Les fèves de cacao, qui sont la principale source de revenus de la Côte d’Ivoire, sont un levier idéal pour faire comprendre au lecteur les mécanismes de la domination, de l’exploitation et de la violence. Gauz’ affirme, par le biais de ses vrais-faux personnages, que la Côte d’Ivoire a cru obtenir avec son indépendance politique sa souveraineté économique, ce qui n’est pas les cas. Et si ses éclats de rage touchent les sages communautaires et les Ivoiriens formés par l’enseignement occidental, sages et jeunes éduqués qui, consciemment ou non, ont provoqué l’échec, il fait basculer son propos régulièrement dans l’éclat de rire et la bonne humeur. Le dialogue entre un père conscient des choses et sa fille qui ne jure que par les tablettes de chocolat venues d’Occident, est un pur régal. De même, oser associer le chocolat à une drogue dure dont les consommateurs ne sauraient se passer, pour imaginer une Côte d’Ivoire devienne le plus gros cacao-trafiquant de la planète, c’est irrésistible.
Cacaoïans –le titre veut tout dire - se lit d’une traite. C’est une œuvre poétique, forte, politique, qui est la première*, puisque publiée en 2022, à ouvrir la porte sur la conscientisation nécessaire pour changer les paradigmes, afin que le monde soit tout simplement juste et équitable.
*L’ouvrage de Samy Manga, Chocolaté, le goût amer du cacao, a été publié en 2023, abordant exactement cette thématique du cacao, pour un point de vue camerounais et donc, africain.