Résumé : Treize nouvelles douces et amères sur la solitude, l’arrachement à ses origines et à ses racines, l’exil, l’immigration, la peur de la mort et les carcans sociaux et politiques qui immobilisent l’Albanie et son peuple…

Avis : Un style incisif, aiguisé. Des mots qui résonnent et s’éparpillent comme des éclats de quartz, pour traduire la solitude de l’être humain ; une solitude qu’il doit subir et porter en lui et vis-à-vis de son environnement, quel qu’il soit. Une solitude qui est souffrance en dépit des apparences, et qui provoque, quelles qu’en soient les raisons palpables ou insondables, la nécessité d’un exil. Un exil, bien sûr, géographique et culturel - il est souvent question dans ces courts textes, d’immigration et des difficultés rencontrées par ces communautés qui cherchent à s’intégrer à l’étranger, l’auteure puisant dans sa propre expérience. Mais surtout, un exil vis-à-vis de soi. Un abandon de ce que l’on est. Oublier, s’oublier. S’oublier en changeant d’apparence, en se faisant opérer le nez, en se teignant les cheveux, en acceptant de jouer l’hôtesse de charme sur un ring de boxe ou de prendre le soleil au bord d’une piscine réservée au corps diplomatique. S’oublier en tentant de faire épouser à ses rêves la réalité, quitte à en mourir, en tentant d’obtenir un petit morceau de bonheur en buvant du thé ou en se laissant entraîner dans la violence conjugale pour se sentir vivre et aimer. S’oublier à travers ses enfants en les entraînant à se construire l’existence qu’on aurait toujours voulu être nôtre, etc. S’oublier, finalement, pour repousser ou, plutôt, pour apprivoiser la mort. Car « dans l’angoisse on peut tout oublier, jusqu’à l’existence ». Les nouvelles d’Ornela Vorpsi sont comme des cicatrices dont les boursouflures entachent, de manière indélébile, et la chair et l’esprit. Elles sont sculptées, minutieusement et accouchent en douceur, pourtant et paradoxalement, d’une humanité fière de ses idéaux et des attentes mais également humiliée de ses espoirs déçus. L’être humain est faillible. Son imperfection, son essence, est captivante, fascinante, attirante. L’auteure ne parle-t-elle pas de « boisson fascinante » en parlant de l’humanité ? Oui, nectar divin ou poison violent, eau pétillante ou potion amère, l’être humain n’en demeure pas moins beau, et à consommer sans modération. Comme le cacao Van Houten, l’être humain est puissant et sauvage, bien qu’il ait cette fâcheuse tendance à l’oublier en s’oubliant.

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