92 % Chocolat (une enquête criminelle de Sam Locksley)

17 octobre 2021 :

Résumé : A la recherche d’un cacao d’exception : le cacao maya, autrement appelé « Criollo Blanc ». Pour cette mission qui lui est confiée par une amie propriétaire d’une épicerie fine et par un chocolatier de renom, Sam Locksley doit composer avec un milieu où tous les coups sont permis pour s’emparer des fèves les plus recherchées. A Belize, il n’est pas au bout de ses peines.

Avis : Un roman passionnant qui emprunte autant aux codes du policier qu’aux codes du roman d’aventure. Le dépaysement est assuré. Tous les ingrédients sont préparés, réunis et mixés entre eux par une autrice réputée pour ses expertises cinéphiles et gastronomes). Son style est enlevé, alerte et fluide. Il construit autour de la quête du détective sourceur une atmosphère exotique par sa géographie et son terrain, didactique par la richesse des informations, historiques, culturelles, sociologiques et économiques puisées au cours de son périple. Le lecteur est en prise avec une lecture multi-sensorielle pleine d’à-propos, de rebondissements, y compris en bouche !

Le personnage principal : le cacao. Ses fèves sont la colonne vertébrale du roman. Autour de celles-ci, gravite un monde qui est tout sauf idyllique et enchanteur comme un lecteur non averti pourrait le croire lorsqu’il à l’occasion d’en croquer une en bouche ou, plus simplement, lorsqu’il consomme sa tablette de chocolat préférée. Au contraire, le cacao et ses fèves sont une denrée qui attise les convoitises, les jalousies et la concurrence. Qu’il s’agisse des producteurs entre eux, des coopératives, des sourceurs dont le métier est de débusquer les meilleurs crus pour les exporter auprès des chocolatiers qui leur ont passé commande, ou qu’il s’agisse des chocolatiers entre eux, la guerre fait rage et les moyens employés sans scrupules. Car le cacao, tout comme le café, à une valeur marchande. Il est soumis à l’offre de la loi et de la demande. Il exige d’être rentable, une rentabilité qui pousse à des productions de piètre qualité la plupart du temps ou à des productions confidentielles d’excellence mais inabordables en termes de prix.

Dans ce roman, le cacao fait rêver, oui, car on le hume, on le palpe, on le transforme et on lui invente les futures formes de sa dégustation. Dans ce roman pourtant, saisissant de réalisme, le cacao est la proie des carnassiers de tous bords. Il est l’enjeu du consumérisme.

La course à la fève et à sa quintessence (le Criollo Blanc), Le cacao le plus parfait qui puisse exister) va, donc, à Belize, bon train. Avec son lot de mystères, son lot de disparitions, son lot de victimes directes et collatérales, son lot de pièges déjoués ou pas, son lot de menaces anonymes. Le anti-héros du roman, Sam Locksley, se prête bon gré mal gré au jeu du chat et de la souris pour pouvoir mener à bien sa mission. Pour sa quête du meilleur produit qui soit, il doit enquêter sur les coups fourrés (pas de chocolat).

La lecture tient en haleine et met les sens en appétit. On y apprend plein de trucs, on y sent le cacao à plein nez, les papilles sont en éveil, l’appétit est aiguisé et on ouvre aussi les yeux sur la réalité du terrain. L’auteure profite de son immense talent et d’un travail de documentation impressionnant sur le milieu du cacao, sur l’île de Belize et sur la génétique (un sujet qu’elle retranscrit à merveille pour la compréhension de tous) pour créer des personnages réalistes sans l’être, tirés de son imaginaire…  Certains sont naïfs, certains sont rusés, certains sont discrets, certains moins. Certaines ressemblances avec des personnes actuellement réputées dans le milieu ne sont peut-être pas si fortuites ou involontaires. Un lecteur éclairé pourra, peut-être, se demander si le chocolatier français de luxe Hippolyte Girard de Carton n’est pas forgé du même bois qu’un Patrick Roger. A titre d’exemple malicieux.

Et sans révéler le dénouement des intrigues qui se croisent et s’entrecroisent tout au long du récit, la conclusion sera savoureuse, telle la cerise sur le gâteau (ou plutôt, le chocolat fin que l’on choisit dans son écrin). L’auteure agrémente son ouvrage non seulement de références sur le cacao, pour qui souhaite approfondir ses connaissances, mais aussi et surtout des recettes venues de Belize et de la culture maya, salées et sucrées. Les cuisiniers-lecteurs se feront un plaisir de s’y coller et d’en partager les arômes avec les gastronomes qui ne mettent pas la main à la pâte…

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